S’il est un secteur en constante évolution, c’est bien celui de l’art. À l’ère du digital, l’art se crée, se regarde et se diffuse différemment. Au-delà des techniques, l’art subit une véritable influence du numérique par son exposition sur les réseaux sociaux, avec, pour conséquence positive, de toucher un plus large public. En ces temps de confinement, les expositions virtuelles ont le vent en poupe ! C’est donc tout naturellement que le marché de l’art suit cette tendance. Zoom sur les nouvelles opportunités offertes par la transformation numérique de ce secteur…
Le marché de l’art 2019 / 2020
Le point sur la situation
Le secteur ne déroge pas à la règle : le confinement de la population mondiale et l’impact économique affectent fortement le marché des œuvres d’art, dont les montants des transactions sont souvent de véritables investissements.
Mais déjà, en 2019, le marché de l’art enregistrait une baisse des ventes de 5% dans le monde (- 5 % pour les États-Unis et – 10 % pour la Chine !). Néanmoins, la France pouvait se targuer de nager à contre-courant puisqu’elle affichait alors une hausse de 7 % du marché total. C’est dans ce contexte que le marché de la vente d’art en ligne poursuit sa fulgurante accélération d’année en année.
Se réinventer face au confinement
Puisque les galeries d’art ont été contraintes de fermer provisoirement leurs portes, les acteurs du marché de l’art ont dû trouver des solutions pour se réinventer, au même titre que les musées (avec, pour conséquence, la nécessité d’une communication sur mesure pour s’adresser aux nombreux visiteurs étrangers comme nous le développons dans un précédent article). La transition numérique a largement profité de la situation pour venir au secours des galeries et des maisons de vente, même si elle n’a pas attendu la crise pour se déployer.
Face à cette situation en effet, le digital se présente comme l’outil le plus efficace pour reconquérir le marché : pour survivre, il faut basculer en ligne et dématérialiser les ventes. Ainsi les galeristes et commissaires-priseurs offrent aux artistes l’opportunité de retrouver leurs collectionneurs. Certaines foires d’art sont même proposées en ligne. Ainsi, en 2020, afin de permettre à la centaine de galeries d’art modernes et contemporaines de rencontrer son public, Art Paris avait accentué sa dimension numérique, en proposant, via un partenariat avec la plateforme artistique internationale Artsy, une édition en ligne. Art Paris Digital permettait l’achat d’une sélection de plus de 1000 œuvres récentes.
Bon à savoir
Drouot, la salle des ventes parisienne, propose non seulement de suivre en ligne les ventes en salle mais réserve même l’exclusivité de certaines ventes à ses usagers en ligne.
L’accentuation d’un marché 2.0
Le marché de l’art n’échappe pas à la règle et subit les conséquences de la crise sanitaire. Mais la pandémie ne fait qu’accélérer un phénomène déjà présent. Les ventes aux enchères connaissent un succès fulgurant en ligne. Selon le site de référence Artprice, en 2019 dans le monde, un nombre historique de 550 000 œuvres étaient échangées rien que dans le segment fine art (qui recouvre dessin, peinture et sculpture). Selon une autre analyse, publiée par l’assureur spécialisé dans les œuvres d’art, Hiscox, les ventes en ligne auraient généré pas moins de 4,8 milliards de dollars en 2019, soit une hausse de 4 % par rapport à l’année précédente.
Certes, la vente en ligne connaît aussi des échecs, comme la faillite médiatisée de Paddle8. Mais le secteur reste particulièrement porteur en ligne, notamment pour les grandes maisons de vente comme Christie’s, Sotheby’s ou encore Philipps qui prospèrent sur internet ! À elles trois, ces maisons ont totalisé sur la toile 370 millions de dollars au premier trimestre 2020, cinq fois plus qu’en 2019.
À retenir : 67% des acheteurs réguliers d’art ont acheté en ligne en 2020 alors qu’ils n’étaient que 45% en 2019, d’après l’étude d’Hiscox 2021.
Un nouveau support et un nouveau public
Convoitée, l’œuvre d’art se démocratise grâce au digital. Le glissement de l’art dans l’univers du numérique se traduit avant tout par le caractère même des nouvelles tendances qui placent l’esthétisme au premier plan. Autrement dit, l’œuvre d’art devient l’image idéale à afficher, partager et liker sur les plateformes et les réseaux sociaux ! De nouveaux outils technologiques apparaissent pour la mettre en avant, par exemple à travers les applications et bien sûr les sites d’e-commerce qui fleurissent sur la toile comme Artsy, Artsper, Artspace, ou encore EarlyWork, suivis de près par de grands acteurs du web comme Amazon. Quant aux maisons de vente traditionnelles comme Christie’s, Drouot et Sotheby’s, elles ont créé des sites d’enchères en ligne.
S’affichant sur de nouveaux supports, l’œuvre rencontre un nouveau public d’amateurs, mais aussi une communauté d’acheteurs issue du monde entier. Que ce soit par l’entremise d’un site internet, d’un réseau social ou d’une galerie en ligne, le digital offre l’opportunité de nouvelles ventes internationales : plus vastes et démocratisées. Autrefois réservées à des initiés fortunés, ces nouvelles galeries 2.0 ont souvent pour objectif de rendre l’art accessible aux moins connaisseurs.
À retenir. Les réseaux sociaux, vitrines modernes de l’art, font désormais partie intégrante du monde de l’art. Instagram est devenu leader pour les nouveaux acheteurs d’art. Selon Hiscox, 79% des acheteurs d’art de moins de 35 ans utilisent Instagram pour découvrir de nouveaux artistes.
Une transition numérique encore à construire
Si la pandémie a sans doute accéléré le phénomène de transition numérique, la digitalisation est encore en construction, il reste des défis à relever. La confiance dans le digital est plus aisée pour les milleniums. Or, s’il constitue cette nouvelle communauté d’amateurs et de potentiels acheteurs versés dans la technologie en ligne, elle côtoie toujours les collectionneurs plus fortunés mais aussi plus âgés et réticents à la digitalisation. Ces derniers restent attachés à un rapport direct aux œuvres, et préféreront toujours les transactions « à l’ancienne », c’est-à-dire dans les salles de ventes. Pour ce public premier, les initiatives en ligne ne remplaceront pas les foires, les enchères et les expositions en direct. S’ils ont été séduits par la transaction en ligne (en attestent les chiffres enregistrés), ce ne fut donc que confrontés à la frustration du confinement. Aux galeries de soigner la réputation de leurs sites et des plateformes de ventes qui les représentent.
Quant aux défis techniques, ils sont encore nombreux (mais pas insurmontables !) et peuvent constituer des freins à cette accélération du marché en ligne. D’abord, la logistique liée au stockage et à l’envoi des œuvres, ou encore au délai et au suivi des livraisons. Mais également, la sécurisation des transactions, à travers, notamment, la notion de certificats d’authenticité digitaux. Ainsi, la blockchain est un système informatique de partage des données particulièrement pertinent, car il permet de sécuriser les transactions dans le marché de l’art et de garantir l’authenticité des œuvres.
Si l’accélération est bien réelle, il reste tout de même encore du chemin à parcourir.
Le saviez-vous ?
Sotheby’s s’est montrée en avance sur ses concurrents directs : depuis son rachat en septembre 2019 par le magnat des médias et des télécommunications français, Patrick Drahi, les ventes en ligne sont au cœur de sa stratégie de développement. En 2019, le digital ne représentait pourtant que 1,2 % (42,8 millions de dollars) de son chiffre d’affaires, alors que de mi-mars à mi-mai 2020, elle organisait déjà pas moins de 46 ventes en ligne pour un total généré de 95,9 millions de dollars. 80 % des ventes de Sotheby’s seront en ligne dans un proche avenir selon Cécile Bernard, directrice générale de Sotheby’s France.
Le marché de l’art en ligne est en plein essor, accentué par la crise sanitaire mais pas uniquement. Amateurs, collectionneurs et marchands sont de plus en plus nombreux à se servir d’Internet pour découvrir des artistes et acheter des œuvres. L’enjeu autour de la transition numérique est de taille : il suscite de belles perspectives économiques tout en touchant un nouveau public, plus jeune et moins aisé. Mais des défis restent à relever, au premier rang desquels, la confiance des amateurs d’art qui achètent une œuvre sans l’apprécier directement. Toutefois, la digitalisation élargit le champ des possibles et permet de démystifier un secteur souvent jugé inaccessible.